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[Première partie] Comment vivrons-nous en 2050 ?

Les 22 et 23 novembre 2018 s’est tenu à la Cité des Sciences et de l’Industrie à Paris, le forum des futurs, organisé par Futuribles International. Ce forum propose de débattre des enjeux importants pour le futur et d’éclaircir la vision de ses participants en leur permettant de s’approprier des sujets de prime abord complexes. La première journée a été l’occasion de mener une réflexion prospective dans le cadre du rapport Vigie 2018 : « Comment vivrons-nous en 2050 ? ». Elle a été organisée autour de sept grands moments : les nouvelles frontières de l’humain, les nouvelles frontières des espaces habitables, les nouvelles frontières de la citoyenneté, comment articuler mobilité et impératifs environnementaux, les nouvelles formes que prendront l’alimentation, les nouvelles formes du travail et les scénarios sur les modes de vie en 2050.

L’horizon temporel imposé nous donne l’occasion d’introduire dans notre réflexion entrepreneuriale, le temps long. Capter les signaux faibles et les tendances qui les portent donne un panorama incomplet de ce qui se joue véritablement sur le long terme. Nos sociétés sont traversées par des tendances lourdes et inéluctables. Et dans un temps aussi particulier que le nôtre, réfléchir à court-terme devient une impasse. Aussi, ces deux journées offrent l’opportunité aux organisations de se poser et de réfléchir à notre futur. 2050 n’est après tout que demain.

C’est dans ce contexte que Backstory s’inscrit. Nous considérons que pour accompagner au mieux nos clients dans leur transformation numérique, prendre en compte le temps long pour co-construire des projets viables et fiables est un gage de succès. Par exemple, penser à la mobilité de demain (thème abordé lors de cette première journée) est un sujet qui doit interpeller certaines industries car il est possible que nous assistions à la fin de la mobilité telle que nous la connaissons. Cette problématique touchera demain aussi bien les constructeurs automobile que les assureurs.

Quels ont donc été les moments importants de cette première matinée ?

A quoi pourrait bien ressembler l’homme du futur ?

Cécile Desaunay, directrice des études chez Futuribles, introduit cette table ronde en rappelant le contexte : « Le corps humain est un paradoxe et d’une complexité folle. Un paradoxe, car il est vulnérable en tout point. Nous courons lentement, nous n’avons pas de griffes et quasiment pas de poils. A priori, nous sommes plutôt mal armés pour faire face à des menaces. Cependant, au gré du temps, des progrès scientifiques et de l’évolution des sociétés, on a réussi à accroitre les performances du corps humain. Il y a deux siècles, l’espérance de vie d’un Européen était de trente ans, aujourd’hui elle est d’environ quatre-vingt ans. De même, en deux siècles, notre taux de mortalité a été divisé par deux en Occident, nous avons pris en moyenne 20 kg et notre quotient intellectuel a augmenté de 20 points. Progressivement, notre corps est donc devenu de plus en plus performant. »

Pourtant, notre espèce ne s’en contente pas, elle veut toujours plus et ce malgré les menaces qui l’entourent (mode de vie, environnement, etc.), remettant en question ces acquis.

Le docteur Alain Froment, anthropologue biologiste, observe l’évolution du corps humain sur des longues périodes. L’horizon 2050 est pour lui beaucoup trop courte, il faut compter en milliers d’années, voire en millions. Pour répondre à la question initiale, il s’est amusé sur Internet à voir comment on se représente l’homme du futur : du gros bébé joufflu adulte à une représentation de l’être humain avec un petit cerveau et un petit intestin, ces représentations fantaisistes ne prennent pas en compte l’environnement immédiat de l’être humain. Plus vraisemblablement, il est fort probable que, par exemple, en milieu froid, le corps augmentera son volume, pour garder le plus de chaleur et sera plus blanc pour capter au mieux les rayons du soleil.

 

vivre en 2050 Dr Alain Froment
L’homme du futur sera-t-il un gros bébé joufflu avec un petit intestin et un petit cerveau ?

 

Ce qui intéresse Alain Froment est de l’ordre de la microévolution, ou évolution séculaire, et d’observer comment nous nous sommes adaptés du mode de vie de chasseur-cueilleur à celui du citadin sédentaire et comment ces changements ont entrainé des conflits notamment métaboliques et génétiques.

Par exemple, la taille des humains a augmenté mais elle a atteint ses limites. Elle n’évolue plus. En Europe, les Hollandais sont les plus grands (plus d’1m80 en moyenne) mais ils ne grandissent plus, on a atteint un plafond. L’histoire de l’humanité est celle de la diversité, de son adaptation à des milieux parfois hostiles et de son expansion. Il y a donc eu variation et elle se manifeste par différents morphotypes dont le lien commun sont nos gênes.

Ce que l’on peut donc anticiper, c’est qu’à l’avenir, il y aura un brassage plus important des gènes du fait des migrations massives et successives. C’est ainsi que nous pouvons prévoir qu’il y aura des combinaisons de gènes inédites. Nous avons aussi une capacité à nous adapter à notre environnement. Du fait du réchauffement climatique, il est probable que nous réactivions, de manière permanente, la mélanine, pour se protéger des rayons ultra-violets.

Qu’en est-il de la macroévolution ?

 

vivre en 2050
Dans 100000 ans, nos têtes ressembleront peut-être à ça !

 

Quelles sont les promesses et les progrès des neurosciences ?

Jean-Pierre Henry, directeur de recherche en neurobiologie, nous rappelle que les progrès en neurosciences ont été réalisés grâce à plusieurs outils : la corticographie, l’électroencéphalographie et l’IRM. En utilisant ces techniques, on a pu faire des progrès spectaculaires dans un certain nombre de domaines : la cognition, les émotions, l’empathie, la conscience, la mémoire et le sommeil. 

Un programme d’envergure internationale a été mis en place en 2013, qui réunit une centaine d’universités avec un budget de plus d’un milliard de dollars, pour mettre en commun les recherches en neurosciences. L’un des domaines qui a le plus progressé est celui de l’homme réparé. Grâce aux signaux électriques récupérés chez le patient, nous sommes capables de reconnecter le cerveau au reste du corps humain, notamment chez les tétraplégiques et paraplégiques.

Est-il possible de réparer le système cognitif et plus particulièrement, peut-on fabriquer une prothèse de mémoire ? Au stade de la connaissance actuelle, nous savons qu’un souvenir laisse un trace physique dans le cerveau, qu’on appelle un engramme. Ce réseau de neurones se forme dans une région du cerveau que l’on nomme hippocampe et l’idée est de stimuler cette zone en cas de pathologie avérée. Les résultats les plus spectaculaires obtenus sont ceux de Théodore Berger, un ingénieur, qui a décodé le code neural présent, au moment où s’effectue la mémorisation. Avec ce décodage, il stimule le cerveau au moment de la mémorisation et obtient une amélioration des performances mémorielles du patient.

Jean-Pierre Henry souligne néanmoins que cette avancée est encore à prendre avec précaution car elle ne concerne que quelques cas dans des conditions cliniques particulières. Il conclut en affirmant que certaines découvertes permettront à l’être humain d’être réparé, en retrouvant par exemple sa mobilité s’il est tétraplégique ou retrouver la vue. D’autres sont au contraire bloquées, notamment par le verrou technologique. Arrivera-t-on au rêve transhumaniste qui voudrait qu’on puisse télécharger son cerveau sur un ordinateur ? Rien n’est moins sûr et est-ce vraiment souhaitable ? La question éthique est ici clairement posée.

Quels seront les espaces habitables en 2050 ?

Le climatologue et météorologue, Robert Vautard, a dressé un panorama des espaces habitables à l’horizon 2050 sur une planète plus chaude de 2°C.  Les espaces habitables seront modelés par deux principaux facteurs : le changement climatique et les politiques publiques qui seront menées en conséquence ou en anticipation.

La question de l’habitabilité de la planète a été très clairement posée lors de la COP21, notamment lorsque des petites îles (par exemple, les Maldives) se sont interrogées sur le futur de leurs terres. Lors du même sommet, il a été demandé aux scientifiques d’étudier la question. Si le rythme actuel du réchauffement se poursuit, les 1,5°C de plus seront atteints aux alentours de 2040. Le rapport à 1,5°C montre quels sont les systèmes qui vont être impactés. Le graphique ci-dessous montre que les coraux seront les premiers durement touchés ainsi que l’Arctique.

 

vivre en 2050 - les dégâts du réchauffement climatique
Les coraux puis les régions côtières et l’Arctique seront les plus durement touchés par le réchauffement climatique.

 

Une autre graphique montre le changement de températures dû au réchauffement climatique, en hiver et en été, sur le continent européen, à l’aune de 2040. On y voit une Europe du Nord fortement touchée en hiver et a contrario une Europe du Sud qui suffoque en été. La France est entre deux eaux, mais sans tomber dans les extrêmes. Mais sur un autre schéma, celui des précipitations, on observe que la France souffrira énormément de la sécheresse durant la période estivale.

 

Les changements de température dûs au réchauffement climatique
Les changements de température dûs au réchauffement climatique.
Sécheresse en Europe
La sécheresse en Europe en 2040.

 

Une zone géographique préoccupe néanmoins les scientifiques dans le futur, c’est la Méditerranée et son pourtour : elle se réchauffe plus vite que le réchauffement global, plus vite que l’Europe à cause de phénomènes particuliers, notamment par l’amplification combinée de la chaleur, de la sécheresse et de la pollution extrême.

Après ce panorama guère optimiste, Hélène Le Teno, directrice de la transition écologique au sein du groupe SOS, expose les modalités d’adaptation à ce nouveau paradigme environnemental et les processus idoines. Au sein du groupe, elle essaie d’imaginer une économie qui soit compatible avec le réchauffement climatique et remplisse les besoins fondamentaux de l’humanité : se loger, se nourrir, se réchauffer un peu l’hiver, se déplacer. Elle constate que nous avons besoin aujourd’hui de ralentir pour intégrer toutes les informations scientifiques données par Robert Vautard, de prendre du recul par rapport à notre planète et au vivant… de faire exactement l’inverse de ce que nous faisons actuellement qui est une course continuelle à l’efficience.

Au-delà du bouleversement climatique, comment vivrons-nous dans un monde à l’ère de la rareté ? Elle s’appuie sur le rapport Meadows / Club de Rome, Les Limites à la Croissance – publié en 1972 et réactualisé plusieurs fois depuis – et cette fameuse courbe, devenue célèbre. On voit bien que la planète vit à crédit depuis le choc pétrolier et qu’à partir de 2025, inexorablement, toutes les courbes plongent.

Rapport Meadows
La courbe du Rapport Meadows

 

On pourrait, pense-t-elle, fermer les yeux et se dire que nous allons trouver des solutions mais comme nous vivons la 6ème grande extinction de masse (par exemple, en Europe, le nombre d’insectes a chuté de 80% depuis 1989), ce déni nous mènerait à la catastrophe.

Il est temps que nous prenions soin de nos écosystèmes. Pour ce faire, elle propose une solution pour que ce bouleversement soit le moins douloureux et notamment : elle imagine une économie qui ne soit pas uniquement extractive de ressources et destructrices d’écosystèmes, mais une économie de bien-être pour les hommes et la planète. La méthode Care, créée par le professeur Jacques Richard, propose de « conserver l’ensemble des capitaux de l’entreprise (financier, humain et naturel) pour éliminer les risques que leur raréfaction occasionnerait et assurer leur performance globale. » En résumé, cette méthode permet de mettre la comptabilité au service de la transition écologique de l’entreprise.

Quelle citoyenneté en 2050 ?

Hugues de Jouvenel, président de Futuribles, dresse le constat que l’idéal démocratique est de plus en plus mis à mal, que ce soit en Amérique du Nord et en Europe. Les élites élues avec un taux d’abstention important sont fortement contestées et la montée des populismes suscite une vive inquiétude. La démocratie semble devenue très fragile : comment alors redonner du sens à l’engagement pour la redynamiser ? Comment l’aborder dans le contexte actuel de bouleversement total ?

Dominique Bourg, philosophe des sciences, se penche sur l’état de nos relations avec le vivant. On a conçu la nature comme un agrégat de particules purement matériels, notre relation est devenue alors mécanique, sans aucun sens, sans rapport avec les unes et les autres. En procédant ainsi, on a donc mis l’être humain à l’extérieur de la nature. Appuyé par une conception judéo-chrétienne de la situation où il est clairement dit que l’homme doit dominer la nature et le monde animal, l’être humain est ainsi habité par cette mission totalitaire et despotique sur la planète, que nous avons exercée non sans un certain zèle.

Or, aujourd’hui, ce paradigme, qui nous inspire encore, subit trois assauts : le premier est la révolution darwinienne dans laquelle Charles Darwin est le premier à replacer l’homme dans la nature ; le deuxième est la révolution éthologique qui a fait sauter les uns après les autres les critères selon lesquelles l’être humain n’était pas un animal car doué de parole, doué de conscience, doué de culture, etc. La communication est ainsi un trait de la nature, même les plantes communiquent entre elles ; enfin, depuis une dizaine d’années, nous assistons à une révolution dans la biologie végétale. Nous apprenons que les plantes exercent toutes les fonctions du vivant.

Cette triple révolution a aujourd’hui un impact sur la société et des phénomènes apparaissent qui font sens. L’émergence du droit à la nature en est un des exemples. On connaît tous l’histoire du fleuve néo-zélandais Whanganui qui s’est vu reconnaître en 2017 le statut juridique de personne. Ses droits et intérêts peuvent être désormais défendus devant la justice. Ce signal perceptible laisse entrevoir un changement dans notre relation au monde.

D’autres signaux faibles émergent et laissent penser que la domination de l’homme sur la nature a vécu et avec elle, l’idéologie du progrès technique. Ainsi, l’exigence des vegans, la sensibilité à la cause animale, l’apparition d’une économie régénératrice, symbiotique ou circulaire, le biomimétisme influent l’organisation de nos sociétés et mobilisent une partie des citoyens pour une émergence durable, soutenable et souhaitable.

Ces nouvelles formes d’engagement trouvent un certain écho chez Thibault Renaudin, délégué général du mouvement Bleu Blanc Zèbre. Où bougent aujourd’hui les frontières de l’engagement ? Tout d’abord, en France, l’engagement des citoyens est réel et notamment, l’engagement bénévole dans le secteur associatif (augmentation de 11 % entre 2010 et 2016, selon France Bénévolat). Nous sommes plus de 20 millions à nous engager pour l’intérêt général. Or nous avons une image du contraire. Pourquoi ? Thibault Renaudin explique qu’il y a 25 ans, nous avons eu une mutation des engagements. Nous vivions une période où nous nous engagions pour transformer le monde, on s’engageait dans une structure durablement. A ce moment, on a voulu s’engager rapidement, ne pas gérer les structures dans lesquelles on s’inscrivait. On a commencé à construire des parcours d’engagement, passant d’une structure à une autre, il est devenu plus individualiste.

Depuis 4 ans, on observe le mouvement inverse, surtout chez les jeunes. On revient à un engagement plus collectif. En l’espace de six ans, il est passé de 56% à 61% dans la population globale. Chez les jeunes, il est de 90%. Il constate que la société française a généralement une très mauvaise image de sa jeunesse. Cette image négative est amplifiée par la révolution numérique qui éloigne de plus en plus les seniors des jeunes. Ce décalage posera problème à plus ou moins longue échéance.

Pourtant, les jeunes Français sont en terme d’engagement deuxième, derrière les Islandais et loin devant les autres Européens. De même, les jeunes de moins de trente ans sont ceux qui ont le plus donné en 2017 : 2,5% de leur budget va aux dons.

Selon lui, la société, à laquelle on aspire, existe déjà par la multitude des engagements. Cependant, comment faire ensemble ? Nous sommes en capacité d’imaginer de nouvelles formes de solidarité collective, de créer une société plus collaborative et plus bienveillante, mais constate-t-il, les aspirations individualistes sont encore fortement ancrées dans les comportements de chacun. Comment les dépasser ?

La deuxième partie de cet article concernera les thèmes abordés dans l’après-midi : le futur de la mobilité, le futur de l’alimentation et le futur du travail.